Open up the door, i'll get it myself - Visite guidée des compilations James Brown

Lundi 11 Septembre 2006

Pour qui veut s’y retrouver dans la discographie de James Brown, les compilations semblent à priori le meilleur moyen. Le meilleur moyen de s’y perdre surtout. Car depuis ses débuts dans les années 50, James a fait montre d’une productivité impressionnante, tapant dans plusieurs styles, produisant tous azimuts pour lui mais aussi pour les autres. Le monde des compiles James Brown est un territoire beaucoup trop vaste pour qui veut s’y aventurer seul. Une jungle inhospitalière à un point tel qu’au milieu des nombreuses officielles, on en trouve une nuée toutes plus suspectes les unes que les autres, aux tracklisting flemmards et aux pochettes abominables (c’est d’ailleurs le critère permettant de les repérer à coup sur).
Alors comment s’y retrouver ? Pas de panique, Wegofunk est là.


Open up the door, i'll get it myself - Visite guidée des compilations James Brown
L’auditeur désireux de remonter le torrent depuis la source, portera en premier lieu son choix sur Roots Of A Revolution. Tout est dans le titre. James est jeune, James en veut, James mitraille les singles et enchaîne les tournées. Producteur et chanteur, il prend déjà toute la place ne laissant à ses futurs feux Famous Flames d’autre choix que d’être « le groupe qui joue avec James Brown ».
Même si le son 50’s / 60’s (1956 -1964 pour être précis) date un peu, il ne fait aucun doute quant à l’avenir de ce petit Géorgien attraction principale d’une formation dont les jours sont comptés et qui, veste à revers satiné et défrisage remodelé en banane, chante à tue-tête son Rythm n’ blues énergique jusqu’à donner l’impression qu’il va sortir du disque. Il n’est pas encore le Noir Le Plus Puissant d’Amérique mais possède déjà la potion imparable pour faire gigoter les fessiers pendant 2 ’30.
Inratable pour qui veut connaitre le point de départ de la genèse de Mister Dynamite.

James aime faire danser les gens (certains titres sont, en la matière, classées comme des armes de catégorie 4) et ses jeunes années musicales ont vu naître une collection de titres prévus à cet effet. Parmi ceux-là, une impressionnante quantité purement instrumentale. L’avantage des instrus c’est qu’on peut dire ce qu’on veut à l’oreille de la midinette avec qui l’on danse sans être parasité par ce petit Noir aux dents blanches qui pousse des cris félins dans le micro. Ca permet de personnaliser la chanson en quelque sorte. D’y poser les mots qu’on veut : « Cette chanson sera la notre désormais », « Je connais personnellement ce James Brown qui joue du piano », « Je crois que j’ai trop picolé, excuse moi chérie faut que j’aille buuuurp !!! Trop tard… ».
James Brown a fait beaucoup d’instrus donc.
Disséminées sur plusieurs albums entre 1960 et 1969, Soul Pride en regroupe une grande partie, 36 au total. 36 titres qui donnent une lecture transversale d’une partie de l’œuvre de James à travers une facette de sa musique pas toujours connue. 36 titres qui permettent de traverser 3 périodes distinctes de sa discographie : le Rythm n’ Blues, la Soul, le Funk. 36 titres exécutés en compagnie de Byrd, Starks, Stubblefield, Parker, Pinckney, Ellis, Wesley, Nolen, pour ne citer que les historiques et dont le format instrumental permet d’apprécier à quel point la qualité et le talent de son groupe ont permis à Mister Brown d’avoir de solides piliers sur lesquels s’appuyer pour bâtir son œuvre et sa légende. Sans son sideman favori, ses batteurs au drumming incroyable, sa section cuivres capable d’enflammer n’importe quelle rythmique et ses guitares à la précision Suisse, sa musique aurait-elle eut le même visage ?
De Hold It à Funky Drummer, une compilation indispensable pour gravir le monument par un versant autre que celui des I Feel Good, It’s A Man’s Man’s World ou Sex Machine.
Pourquoi s’arrête-t-on à 1969 ? Parce qu’ensuite James va avoir d’autres choses à faire. La Révolution est en marche, le funk l’attend…


« Drop the bass ! Play organ now ! »

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Et ça tombe bien puisque c’est justement autour de son funk organique que sont axées la majeure partie des compilations disponibles.

Foundations Of Funk – A Brand New Bag, retrace l’épopée de James Brown de 1964 à 1969. Artiste reconnu et adulé, il s’est rendu coupable d’un album live mémorable enregistré à l’Apollo Theater en 1962. Forçat de travail, il publie singles et albums, tous plus percutants les uns que les autres. Au rythme de ces sorties, sa musique vire vers un genre nouveau…
Comme un Petit Poucet remontant les cailloux qu’il a semé, l’auditeur suit James Brown au travers les nombreux classiques qu’il a disposé, en seulement 4 ans, sur le chemin qui mène au funk (Papa's Got A Brand New Bag, Cold Sweat, The Popcorn, Ain't It Funky Now, Say It Loud, I'm Black And I'm Proud, etc…). Le funk tel qu’il le popularisera plus tard n’est pas encore dans sa forme définitive, les rythmiques n’ont pas encore occupé toute la place qui leur reviendra par la suite mais le son des Vox se fait de plus en plus pressant et une chose est avérée : James est en avance sur tout ce qui se fait à l’époque. Les artistes officiant dans le même registre que lui n’auront plus qu’une alternative : tenter de le suivre ou mourir. Car le Soul Brother Number One est sorti de la route depuis longtemps et taille son propre chemin à travers la black music. Et ce chemin deviendra bientôt une autoroute 4 voies.

Make It Funky - The Big Payback prend le relais pour la 1ère partie des années 70. 1970-1975 pour être précis.
Alors que 2 autres géants émergent (Sly qui bariole son funk avec sa Family Stone et George Clinton qui pour l’heure navigue dans le bouillonnant Funkadelic), Brown durcit encore plus son style et axe le travail de tous les instruments autour du rythme.
Durant ces 5 ans, il est au sommet. Intronisé fer de lance de la communauté noire, il sort des albums urgents comme There It Is et des chefs d’œuvres comme The Payback. La quantité tutoie la qualité et une très large part de ses productions deviennent des références incontournables et intemporelles. Cette mine d’or musicale, les rappers l’exploiteront à outrance faisant du Soul Brother Number One l’artiste le plus samplé.
L’impasse est faite sur le séminal Sex Machine mais à quoi bon occuper de l’espace avec ce titre disponible sur tellement d’autres compiles de funk. Mieux vaut se concentrer sur la montée en puissance du phénoménal Godfather.
De Hot Pants à Reality, tous les grands crus sont ici passés au taste funk. L’ascension du mont Marron se faisant en respectant la chronologie des albums, elle permet de mesurer l’évolution du son Brown, depuis le très rugueux I’m A Greedy Man jusqu’au plus produit Funky President. Le disco frappera ensuite avec toujours plus d’insistance à la porte et James finira par ouvrir.
Mais là n’est pas le propos.

Funk Power 1970 : A Brand New Thang complète Make It Funky en explorant une facette bien particulière du funk que James pratiquait au début des années 70 : le brut de brut en prise directe avec la rue, sec, dépouillé, vindicatif.
En osmose parfaite avec son fidèle binôme vocal Bobby Byrd, à la limite de la télépathie avec son groupe (notamment les frères Collins qui viennent de le rejoindre), suréquipé en musiciens, déchainé, survolté, suant, hargneux, animal et poussant à n’en plus finir des cris capables de briser un tympan de manière irréversible (includes «les plus beaux cris du Godfather »), James est, en un mot comme en cent, le taulier incontestable et incontesté de ces sidemen qui ne jouent que pour lui. Hurlant ses ordres, ordonnant aux cuivres de tomber pile ici, demandant un pont là, commandant la basse, le saxo, le refrain. Du son live et du grain sale, et entre les effluves de sueur, le délicieux parfum de séance one shot se fait sentir : la 1ère prise est la meilleure, une 2ème pour se couvrir au cas où mais pas plus.
On retrouve surtout sur Funk Power trois titres qui comptent parmi les plus grands morceaux que James n’ai jamais enregistré : Super Bad, There Was A time, et Get Up, Get Into It, Get Involved, démonstration en règle de sa mainmise sur sa section cuivres.
Un funk à ranger dans la catégorie « hardcore pas pour les enfants ».

Ces trois là présentent l’avantage de ne pas se recouper entre elles, évitant la désagréable impression d’avoir, à quelques titres près, les 3 mêmes disques mais avec 3 pochettes différentes. Pourtant, à chaque fois, la punition marketing est redoutable : versions inédites, livrets documentés, photos d’époque (ah la combinaison moulante brodée « Sex »…) : le plan « comment faire acheter du James Brown à ceux qui ont déjà tout» est mis en branle pour tenter plus que de raison le fan absolu.
Loin d’être des compiles tiroir-caisse, Foundations Of Funk, Make It Funky, et Funk Power sont un condensé fidèle de ce que James a produit de meilleur.
Prenez tout ce que James Brown a enregistré de 1964 à 1975, passez les au tamis il n’en restera que de l’or pur.



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Aux aficionados de Funk Power, il est conseillé d’aller faire un tour du côté de In The Jungle Groove et de Motherlode, les mêmes furieux qui font transpirer les enceintes avec leur funk abrasif sans compromission les y attendent. Un funk qui suit le même fil conducteur : préférer la première intention chargée en vibe et en spontanéité, ne pas trainer à peaufiner au risque de perdre l’essence du morceau. Pas d’arrangements inutiles : trop sophistiquer c’est pêcher.
In The Jungle Groove marche sur les platebandes de Funk Power à quelques titres près qui font la différence parmi lesquels l’inépuisable Funky Drummer avec le break des breaks que Clyde à figé pour la postérité dans les annales du Funk (et du rap) et qui est ici fourni avec en plus une reprise du beat seul (allez les gars sortons les samplers ont est ptète les premiers !!!),
Motherlode propose une version du He’s The One de Marva Whitney qui devient, interprétation masculine oblige, She’s The One, mais affiche surtout les versions live de 2 titres impérissables tendance enragés, There It Is et Say It Loud. Egalement un alternate mix de Body Heat qui pour le coup n’a pas grand-chose à faire ici…
2 compiles qui complètent idéalement Funk Power.

« Bobby ! The groove is so great yo ! »

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Généreux, James l’a beaucoup été avec lui-même, mais aussi avec nombre de ses collaborateurs qui ont eu l’insigne honneur de profiter de ses largesses en matière de funk, James leur ayant produit albums et singles en y injectant à chaque fois sa recette miracle.
De ces productions, il n’en est gardé que le meilleur sur les 3 volumes Funky People où l’on croise à nouveau la route de toute la fine fleur de l’écurie Soul Brother N° 1 : Maceo & The Macks, Fred Wesley & The JB’s, Bobby Byrd, les Divas…A l’exception de Fred et Maceo, peu auront une réelle carrière à la hauteur de leur talent une fois le giron de James Brown quitté. Funky People est donc un juste retour des choses qui en plus donne une vision assez globale des activités artistiques de Mister Dynamite à cette époque.
Double album bourré à ras bord tant et si bien qu’il faut pousser le tiroir du lecteur cd pour qu’il ferme bien, Funky Good Times – The JB’s Anthology recoupe et complète cette trilogie. Toujours des productions de James, toujours des titres explosifs à réveiller un cimetière (The Grunt, Breakin’ Bread, Pass The Peas, Jb’s Monaurail…) où souvent une simple phrase fait office de couplet et de refrain (est-ce possible d’écouter Same Beat sans continuer à le répéter machinalement une fois le morceau terminé ?). Principalement orienté vers les albums des JB’s emmenés par Fred Wesley, c’est toujours du James Brown grande époque : sec, dépouillé et Fred Wesley oblige, cuivré à mort. Donc toujours indispensable.
Associé aux 3 volumes des Funky People, voilà le carré magique de ce que James a fait quand il mettait son talent au service des autres. Qui a dit égoïste ?

Vous aimez les femmes ? (ouiiiii !!) Vous aimez James Brown ? (ouiiii !!! encore plus !!) alors direction James Brown’s Original Funky Divas.
Depuis 1960 et Bea Ford, James a toujours sorti le grand jeu pour elles. Soumises à la même discipline militaire que les hommes du groupe, les Martha High, Lynn Collins, Yvonne Fair, Vickie Anderson (aka Myra Barnes, aka Madame Bobby Byrd), Marva Withney, et autres Tammy Montgomery (future Tammy Terrell qui enchantera des duos avec Marvin Gaye) ont enregistré avec le Godfather de pures merveilles de Rythm n’ blues, de Soul, de Blues ou de Funk, mettant à son service leurs voix puissantes, sublimes et déchirantes, chantant pour lui leurs souffrances, leurs joies, ou leur rage.
Think, Message From The Soulsisters, It’s My Thing, pour n’en citer que 3, existe-t-il encore des oreilles vierges de ces pépites ?
Un disque pour les 60’s, un autre pour les 70’s, et 46 titres pour mettre à nu la part féminine du Godfather.


« Just Gimme Some More »

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Enfin, au rayon inclassable, on trouve Messing With The Blues (1957-1985), entièrement dédié, comme son nom l’indique, au Blues. Né dans le sud ségrégationniste des Etats-Unis, nourri au sein de la musique des esclaves et féru de ce courant qui a contribué à son éducation musicale, James en enregistrera tout au long de sa carrière, principalement des reprises d’entre autres Erskine Hawkes, Billy Ward, Louis Jordan, Roy Brown (ses 2 plus grandes influences), ou Little Willie John son idole absolue en l’hommage de qui il enregistrera Thinking About Little Willie John en 1968.
James sait pertinemment qu’il ne sera jamais le Blues Brother Number One, le genre lui est trop antérieur et surtout peuplé de trop de sommités. Le défi est ailleurs et consiste surtout ici à se faire plaisir en enregistrant cette musique inscrite dans son ADN et qui a fait que James est devenu ce qu’il est.
Poussant sa voix dans les aigus jusqu’à la rendre féminine, il devient un félin blessé qui implore qu’on vienne le caresser ou l’achever, pourvu qu’on ne le laisse pas comme ça seul et mal aimé.
Le James Brown-addict peut-il décemment se priver de ce recueil ? Ma réponse est non.

Mais alors tout est formidable ? Non. Parmi ces compilations officielles, une est clairement destinée à ceux qui ne veulent entendre de James Brown que ce qu’ils connaissent déjà : Dance Machine. Ou comment s’assurer de confortables rentrées d’argent sans trop se fouler. Un : prendre tous les titres éculés de James Brown qui, même s’ils sont de bons morceaux ne sont qu’une infime partie de son œuvre et ont été mille fois entendus (certains d’entre eux passant même sur Nostalgie, c’est dire…). Deux : compiler ça vite fait en se voulant représentatif de la discographie mais en passant directement de Get On The Good Foot à Hell (There It Is et The Payback n’ont jamais existé). Trois : réduire les missiles funk de l’âge d’Or à un format acceptable par l’auditeur lambda, soit plus ou moins 3 minutes. Autant dire que pour Superbad ou Sex Machine cette portion congrue n’a aucun sens (où sont passées les Part 2 ?!) Quatre : comme on connait bien James Brown on conclu le tout par Living In America. Mais c’est pourri !! On s’en fout, les gens connaissent, c’est l’essentiel.
A éviter.

On ne peut cependant pas conclure sur une aussi mauvaise note alors, pour ceux qui veulent tout et tout de suite, on ne peut que leur conseiller fortement de se jeter comme des morts de faim sur Star Time : 4 cd, un livret qu’il serait plus juste de qualifier d’annuaire, et 70 titres pour se donner une vision globale et transversale de l’œuvre. Prenant les choses dès le début avec Please, Please, Please, Star Time remonte chronologiquement les albums, pousse un peu plus loin que les autres compilations et s’arrête a Unity, titre que James a enregistré en 1984 avec Africa Bambaataa. Prenant soin de ne rien oublier des titres immortels qui ont jalonné la carrière de cette légende, mais en ayant la décence d’éviter les mauvais albums (à quoi bon ?), la période disco (si, si, elle existe…) et surtout, surtout, SURTOUT, Living In America
Le coffret définitif pour apprécier l’évolution d’un des monstres sacrés dont l’influence sur la musique n’a toujours pas finie d’être mesuré.

Voilà donc un panorama non exhaustif de ce qu’on peut trouver de meilleur en matière de compilations James Brownienne. Non exhaustif car on aurait également pu évoquer Ballads ou la série des Nothing But Funk (4 volumes très pointus de productions 70’s inédites, je vois déjà des fans qui ont l’écume aux lèvres). On aurait aussi pu faire quelques lignes sur James Brown Funky People’s Greatest Breakbeats, ou se marrer un peu avec Funky Christmas qui vaut beaucoup mieux que la pochette affichant un James coiffé d’un bonnet de Père Noël, mais on ne va non plus vous mâcher tout le travail, et arrive un moment où il faut savoir s’arrêter. Parce qu’avec tout ce qui est décortiqué là, il y a largement de quoi s’occuper quelques heures durant à explorer la carrière du Prime Minister Of Super Heavy Funk.
Après ça, vous ne pourrez plus jamais dire « on ne savait pas ».

En savoir plus :

LIENS

Site Officiel de James Brown
Funky Stuff Super site avec forum consacré à l'univers JB
Wikipedia

Maceo Parker
Fred Wesley
Martha High
Marva Whitney
Pee Wee Ellis
Clyde Stubberfield & Jabo Starks



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