Interview - Michael Leonhart 07.06.10

Mercredi 25 Août 2010

Fils de musiciens et lui-même musicien émérite et surtout précoce, Michael Leonhart est un ovni total dans la galaxie Soul-Funk de Brooklyn avec laquelle il évolue.
D’abord de par ses collaborations avec un panel d’artistes tous plus différents les uns que les autres (Yoko Ono, A Tribe Called Quest, Steely Dan…), ensuite parce que là où ses collègues développent des projets parallèles avec la Black Music comme ligne directrice, Michael envoie « Seahorse & the Storyteller », véritable opéra –concept- groovy débordant d’ambiances et d’influences. Pour cet album difficilement descriptible mais résolument fascinant, Michael a spécialement mis sur pied Avramina 7, autre super-groupe qui rameute les habituels échappés des Dap-Kings- Budos Band - Antibalas – Expressions – El Michels Affair et tout ce qui s’en suit (Tom Brenneck, Dave Guy, Homer Steinweiss, Luke O’Malley, Nick Movshon, Leon Michels, Toby Pazner...).
De passage à Paris pour supplanter Dave Guy dans ses habits de trompettiste de The Expressions, le backing-band de Lee Fields, l’occasion était trop belle de rencontrer cette créature décidemment seule représentante de son espèce qui, en plus de parler un français riche, se permet de lâcher quelques références assez inhabituelles. Et même de vanner dans notre langue. L’insolent.


Interview - Michael Leonhart 07.06.10
Commençons tout de suite par cette histoire de Grammy Award que tu as reçu encore ado !
Ca date de quand j’étais au lycée, j’avais 17 ans et je jouais dans un groupe qui en fait réunissait tous les meilleurs musiciens des différents lycées. Dans ce groupe devait être élu « le meilleur musicien High School », et c’est moi qui l’ai été.
La cérémonie a eu lieu une semaine avant celle des Grammy et la récompense m’a été remise par Henry Mancini dont je connaissais juste un peu le nom alors qu’aujourd’hui je suis un gros fan des ses disques ! Faut dire qu’à l’époque j’étais un peu myope dans mes goût jazz, pour moi Mancini c’était « toutoum toutoum toutoum » (NDR : thème de la Panthère Rose, rend très mal à l’écrit) et donc je n’ai pas pris le truc à 100 % au sérieux. Les jours qui ont suivi la remise de ce Grammy ont été complètement dingues car, en plus de la récompense elle-même, je suis passé sur ABC News où j’ai été choisi comme « Personnalité de la semaine » au milieu de Gorbatchev et d’autres personnes toutes aussi importantes !

Ca fait donc un moment que tu es dans le milieu de la musique…
Quelques années plus tard, je devais avoir environ 20 ans, j’ai tourné avec Steely Dan puis je me suis retrouvé à faire des arrangements sur leurs albums. Je suis d’ailleurs co-producteur du prochain album solo de Donald Fagen, on va passer les 6 prochains mois dessus. J’ai aussi été musicien sur des concerts avec James Brown ou Bill Withers.

Au final tu joues de combien d’instruments ?
Je joue de la trompette, pas vraiment du trombone même si je peux sortir quelques notes dont j’ai besoin. Je joue aussi du clavier, des percus, de la batterie. Bon la batterie j’en joue comme un freak ! Disons que j’ai mon propre style…

Parlons de ton album, Seahorse & The Storyteller. Il est un peu…”étrange” !
Il y a quelques années je suis tombé sur un truc sur les hippocampes qui expliquait que chez eux c’était le mâle qui portait les petits. J’ai eu envie de faire quelque chose à partir de ça donc j’ai noté au fur à mesure des idées dans mon journal. C’est devenu petit à petit des paroles de chansons que j’ai connectées avec des grooves que j’avais en tête, des grooves sans aucunes mélodies. Et là c’est devenu une sorte de film dans ma tête.

C’est donc quelque chose que tu réfléchis depuis longtemps ?
Tu sais, tout ça ne m’a pas pris énormément de temps, en tout cas en ce qui concerne la musique. J’en écris partout où je suis ! Dans les avions, quand je suis en tournée ou même dans la rue, pour moi c’est facile. En revanche ce qui est beaucoup plus difficile ce sont les paroles étant donné que j’ai énormément de respect pour des gens comme Gainsbourg, Dylan, les écrivains ou encore les chanteurs qui écrivent des paroles avec du sens et du contenu. Les paroles peuvent me prendre trois ou quatre mois, non pas parce que je suis très perfectionniste, mais parce que je ne suis pas assez doué pour ça ! Je peux parler couramment avec la musique et les riffs, pour les paroles c’est parfois un combat ! Après pour ce qui est de l’enregistrement ça va très vite, je fais ça depuis des années dans mon studio ou dans d’autres donc ça va, je suis assez à l’aise. Mixer me prend ensuite une semaine. Mais pour tout te dire, ce disque est le 1er album d’un projet de trilogie avec ces personnages et ce concept. J’ai déjà les titres et les idées, c’est comme Star Wars !

Donc tu connais déjà la fin ?
Non, pas la fin. J’y réfléchissais d’ailleurs encore hier dans l’avion. Disons que j’ai des idées et je suis surtout très inspiré à l’idée de faire encore 2 disques avec ce groupe. Voire plus ! On travaillera peut-être encore ensemble sur d’autres projets, on fera peut-être comme le Splendid avec le Père Noël Est Une Ordure et les films qui ont suivi ! J’aime l’idée d’être un groupe avec chacun ses caractéristiques et sa personnalité, un peu comme Duke Ellington qui avait un groupe de 17 personnes et qui composait en fonction de chacun. Quand j’écris, je pense à untel qui va jouer de la guitare, untel de la basse…

Interview - Michael Leonhart 07.06.10
T’as d’ailleurs embarqué toute la mafia de Brooklyn dans ce projet qui est tout de même beaucoup moins Soul-Funk que ce qu’ils sont habitués à faire avec les Dap-Kings, El Michels Affair, Budos Band, etc…
Ils ont pourtant dit oui tout de suite. Ils sont tous très ouverts et en plus on se connait tous depuis plus de 10 ans donc à force il y a entre nous une sorte de fraternité. Mais je crois quand même qu’ils me regardent parfois comme l’enfant terrible de la famille, le mec un peu bizarre, « est-ce qu’il prend de la drogue ou pas » ? Alors qu’en fait non, tout ça est naturel.

Les voix sont une partie importante de l’album, on dirait parfois qu’elles planent voir qu’elles hantent les morceaux…
C’est ma femme et moi qui avons fait les voix, je ne te cache pas que cette envie vient sans doute des albums de Serge Gainsbourg avec Jane Birkin. Sur toutes les parties où je chante, il y a aussi derrière la voix de ma femme ce qui donne une sorte d’effet fantôme sur la mienne. Mais je crois aussi qu’il doit y avoir inconsciemment une partie de moi qui a peur d’être seule au micro. J’aime beaucoup les trucs à la Fela où il chantait en ayant un chœur de femmes derrière lui, Gainsbourg a fait quelque chose de similaire sur l’album Percussions.

Ton album est très produit et très léché, avec ce genre de travail à quel moment on se dit « stop c’est terminé » ?
Léché ? Ca veut dire quoi ?

Très travaillé, peaufiné, que le moindre détail compte. Du verbe "to lick" en anglais !
Humm ça j’aime bien ! (rires) En fait je fais tout instinctivement et surtout je sais ce que je cherche. Avant je faisais les choses assez vite, maintenant j’essaie de ralentir un peu pour éviter d’être nerveux en studio et surtout pour profiter de l’instant. Quand on arrive en studio, j’ai déjà 90 % de ce que je veux faire dans ma tête, c’est un peu comme un réalisateur qui avant de filmer fait son story-board. Je sais déjà le son que je veux, reste ensuite à le trouver. On change le son de la caisse ou des choses comme ça. Une des dernières sessions que j’ai faites c’était avec Leon Michels au sax ténor et Cochemea Gastelum au baryton, on s’était calé 1 h 30. On a discuté un peu des parties de chacun, de ce que je voulais faire, et puis on s’est dit « ok, on enregistre cette répéte et on voit ». Les deux ont soufflé, c’était bon direct ! Tu vois le truc ? Si c’est bon tout de suite on le garde, pourquoi chercher à le refaire ? C’est sur que l’album est très arrangé mais dedans il y a beaucoup de choses très spontanées…

Le fait que tu m’aies dit que cet album était le début d’une trilogie change le ressenti que j’ai eu en l’écoutant. Je trouvais que le dernier titre «Dragonfish » ouvrait la porte à l’imagination alors que d’après ce que tu me dis, il ouvre la porte sur le 2ème album…
Concernant ce titre, j’étais un peu septique. Je me demandais s’il marchait bien avec le reste. Je l’ai fait écouté à Leon (Michels) qui lui en était convaincu donc on l’a laissé. Mais je trouve que ce titre c’est un peu le mouton noir de l’album, il ne colle pas exactement avec le reste mais il fait partie du film. En fait, et c’est la première fois que je dis, ce dernier morceau annonce la naissance d’Enzo qui sera le personnage principal de Seahorse Part II. C’est un album qui sera plus afro.

C’est pas évident de faire vivre cet album en live…
C’est difficile, ça fait tout de même 16 musiciens sur scène…On a fait une dizaine de concerts avec 4 chanteurs, 2 percus, un tabla, et la section rythmique.

Mais quand tu auras fait la trilogie tu pourras faire un grand concert où vous jouerez les 3 à la suite !
Ouais, un truc comme Jean-Claude Vannier avec L’enfant Assassin des Mouches ! Je crois qu’actuellement jouer l’album dans sa continuité sur scène, c’est quelque chose qui ne marche pas. Sur disque oui mais sur scène il faut, je crois, privilégier l’énergie plutôt que d’essayer de jouer les chansons dans l’ordre pour garder toute la cohérence de l’album. On a fait ça, jouer l’album dans l’ordre, avec Steely Dan et c’était assez énorme, j’en avais la chair de poule mais ça ne marche que lorsque le disque est très connu.

Ca va venir…


Propos recueillis le 07.06.10
Merci :
- Differ-Ant (Pascaline + Lena + Sylvain)
- Ter A Terre Crew
- Fealgood

Muzul _
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