Interview - Orlandivo : Samba Flex au royaume du groove !!

Mercredi 1 Mars 2006

Orlandivo fait partie de ces artistes brésiliens au même titre qu’Elza Soares, Marcos Valle ou Joao Donato ayant enregistré il y a plus de 25 ans pour le compte de la mythique Odéon. En 2005, EMI a réédité une partie du catalogue de la maison de disques carioca ; c’est ainsi qu’on a pu redécouvrir tout un pan de la culture musicale brésilienne et tomber sous le charme de chanteurs tels qu’Orlandivo.
A 68 ans, il revient avec un album mélangeant samba et groove, une sorte de retour sur son album funky de 1977. A l’époque, il s’était entouré de Joao Donato au Fender Rhodes et aux arrangements, d’Alex Malheiros et Ivan Conti du groupe Azymuth respectivement à la basse et à la batterie et de Durval Ferreira à la guitare.
Nous avons eu la chance de le retrouver à Rio de Janeiro à quelques pas de la plage de Leblon et de passer deux heures avec celui que l’on surnomme le Chaveiro.


Pouvez-vous nous raconter votre parcours musical durant votre enfance et adolescence ?

Je suis né en 1937 à Santa Catarina, au sud du Brésil.
A 9 ans, avec ma famille, nous avons déménagé pour Rio de Janeiro. Mes parents y ont tenu un hôtel place Maua, dans la zone portuaire pendant 12 ans.

Je voyais souvent un ami de ma mère qui jouait de l'harmonica. Et un jour mon père m'en acheta un. C'est ainsi que j'ai commencé à jouer.

J'ai ensuite rencontré Paulo Silvino Neto Filho. Il écrivait des paroles de chansons, des petites histoires, des poèmes.

La musique de ma jeunesse était la musique régionale : cavaquinho, bandeiro, flûte, guitare, rythmes. On pouvait jouer partout avec ces instruments. Il n’y avait pas de piano à cette époque-là. Le répertoire était composé de sambas et choros : c’était les débuts de la samba et du carnaval. Place Onze, place de la République à Rio : tout commençait. Petit garçon, j’ai vu l’effervescence des débuts du carnaval. La samba enredo qui n’a rien à voir avec la musique de carnaval actuelle. C’était beaucoup plus lent, plus cool.
C'est dans cette ambiance-là que j’ai appris à jouer comme autodidacte. Je ne sais pas écrire la musique. Tout est dans la tête et à l’harmonica.

On vous introduit lors des concerts comme O rei do Sambalanço. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce style de samba ?

Interview - Orlandivo : Samba Flex au royaume du groove !!
A l’époque je n’étais pas le roi du sambalanço. J’étais un petit blanc qui voulait jouer la musique des noirs ; et ce n’était pas le grand succès auprès des filles qui me trouvaient trop pâle !!
Le sambalanço ? La samba est une musique spontanée où le chant a une importance, alors que le sambalanço est une musique pour danser. C’est la nuit qu’on pouvait l’écouter. A l’époque il y avait la vague Bossa Nova, plus intellectuelle.
Ed Lincoln jouait au Drink dans le quartier de Leme, quand je suis entré dans son conjunto*. Orgue Hammond, batterie, basse et chanteur. Il y avait la boîte Arpege à côté aussi dont Roberto Jorge était le chanteur officiel...
Il y avait Miltinho, le chanteur officiel du Drink. Tout ça , c'était dans les années 60.
Nat King Cole était à l'époque le parrain des chanteurs pour les bals. Il avait ce côté romantique. Mais je n’étais pas un crooner pour autant.
Je travaillais comme office boy le jour. Le chant ne me permettait pas alors de gagner ma vie, même si nous jouions toutes les nuits.

Moi je jouais avec des clés ; elles me servaient de percussion. Et c’est ainsi que j’ai commencé à être connu et que je me suis fait repérer par Miltinho

*conjunto : groupe, orchestre

Il me semble que vous avez rencontré Jorge Ben dans des circonstances particulières. Pouvez-vous nous en dire plus?

Interview - Orlandivo : Samba Flex au royaume du groove !!
Je jouais dans un club de Rio à l'époque. Ca devait être en 1961 ou 1962.
Un soir, je vois un jeune homme s'approcher de moi à la fin du concert. Il voulait me montrer deux chansons qu'il avait composé et qu'il voulait que je chante. Comme j'étais un peu curieux, je suis sorti l'écouter. Il prit alors la guitare et me joua Mas Que Nada et Por Causa De Voce : il avait déjà cet accent et chantait Voché au lieu de Vossé.
J'étais flatté de son geste et ses chansons étaient vraiment bien mais je ne pouvais accepter. Il fallait qu'il les enregistre lui-même.
Il me répliqua alors qu'il les avait composées pour moi et qu'il n'était pas chanteur. Je lui répondis alors que je n'étais pas chanteur non plus!! (rires)
Quelques temps après, il avait enregistré un 78 tours deux titres ; face A, Mas Que Nada, face B, Por Causa De Voce : deux des plus gros tubes de la Musique Populaire Brésilienne!!

Par la suite, il a repris une de mes chansons.

Vous avez écrit et co-écrit quelques centaines de chansons. Pourtant vous n’écrivez pas la musique ni ne jouez d’un instrument mélodique. Quel est votre secret ?

Je me fais comprendre des autres musiciens en chantant.
Je construis la mélodie dans la tête. Première partie, deuxième partie, je compose les paroles en même temps.
Je peux jouer le rythme en même temps que je compose. Sinon je me suis souvent aidé d’une batterie électronique. Mais je connais bien la percussion.
Par exemple pour le morceau Palladium : j’avais la mélodie de la première partie. Je l’ai chanté à Ed Lincoln et lui, a naturellement trouvé la deuxième partie. Ce n’est qu’ensuite que j’ai écrit les paroles.

Vous avez co-écrit avec Deodato. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Eumir Deodato était un jeune étudiant en musique à l’époque. En fait, je l’ai connu car il mettait en écriture les mélodies que composait Paulo Silvino.
Nous avons écrit quelques mélodies ensemble.

Comment en êtes-vous venu à produire cet album si funky en 1977 ?

Orlandivo - Orlandivo 1977
Orlandivo - Orlandivo 1977
Je suis venu à Paris pour le single Paté Patu.
Je n’ai pas beaucoup voyagé, même pas aux USA ; et c’est à Paris que j’ai pris conscience de la puissance de musiques telles que le jazz et le funk. J’ai changé d’attitude sur la façon de composer : sur l’introduction des contretemps et syncopes.
Des amis m’ont emmené au MIDEM à Cannes et c’est là que j’ai pris conscience pour la deuxième fois qu’il fallait que je fasse un disque pour l’Europe.

Ecouter des extraits

Sur cet album, un des morceaux s’appelle Um abraço no Bengil. Y a-t’il un rapport avec Jorge Ben et Gilberto Gil ?

Bengil est le prénom de mon fils ; en hommage à Gilberto Gil et Jorge Ben. J’ai écrit le morceau à un moment où Jorge Ben avait ses problèmes de nom aux USA avec Georges Benson et Gilberto Gil était en cure de désintoxication pour son addiction à la marijuana.

Il y avait dans les années 70 une énergie musicale très présente chez Odéon (filiale d’EMI). Pouvez-vous la décrire ?

Nous nous connaissions tous : Marcos Valle, Joao Donato, Doris Monteiro… J’ai beaucoup écrit pour Doris Monteiro. Wilson Simonal a chanté deux de mes titres !!

Beaucoup de vos titres ont été repris ou samplés. Quelle est votre position face au copyright ? Avez-vous les droits sur vos chansons ?

Onde Anda Meu Amor ou Favela Chic ont été des titres très compilés. Je gagne aujourd’hui de l’argent grâce aux royalties. J’ai des droits sur tous les titres que j’ai composé.
Aujourd’hui, je suis victime des CDs et vinyles pirates (bootlegs) ; mais c’est grâce à ces disques que Whatmusic a réédité mes premiers albums et a relancé la machine !!

Sur votre nouvel album (le disque est sorti au Brésil en janvier 2006), Henrique Cazes est aux arrangements. Dans quel état d’esprit l’avez-vous enregistré ?

Interview - Orlandivo : Samba Flex au royaume du groove !!
Henrique est le programmateur du Rio Scenarium, un fameux night-club de Lapa (Rio de Janeiro) ; il est aussi un très grand musicien et arrangeur.
Nous avons repris quelques-uns de mes tubes et écrit de nouveaux morceaux, mais avec un son à la fois plus proche de la samba et des sons actuels électroniques.

E ficou muito bom !!

Plus d'infos sur le nouvel album

Le saviez-vous?

Nous avons passé deux heures en compagnie d'Orlandivo. Mais nous n'avons pas parlé que de musique...
Car en bon carioca qui se respecte, Orlandivo nous a expliqué comment se passaient les bals dans les années 60 : comment il draguait les filles à l'époque et comment il faisait pour danser collé-serré sans pour autant coincer l'un de ses attributs au détour d'un mouvement trop prononcé... Dessin à l'appui!!

Nicola Son & Adri3n


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