Interview - Victor Kiswell

Mardi 5 Septembre 2006

Propos recueillis en décembre 2002 à l'occasion de la sortie de "The Urge", une compilation de rares grooves en provenance du monde entier.


Interview - Victor Kiswell
Comment as tu eu l'idée de ce concept ?

Je suis parti du disque " Escale party " pour définir le concept. Sur cet album vieux de trente ans il était précisé " vacances dansantes autour du monde ". Une idée qu'il fallait actualiser... en rajeunissant un peu le son. Au lieu d'avoir les mêmes musiciens qui jouent à l'orientale ou dans le style pop soul anglaise comme c’est le cas sur " Escale party "., je préférais avoir des titres balayant le large spectre du groove, mais avec un réel parfum local. Quelque chose de typique… mais d'atypique aussi si tu vois ce que je veux dire.

D'ailleurs, pourquoi avoir choisi ce nom " The urge " qui veut dire l'urgence (le besoin, d'après mon Harrap's …. )

The urge ça doit vouloir dire " envie pressante ", une espèce de besoin irrépressible. Après tu l'appliques à ce que tu veux… Imaginons une envie de voyage, d'évasion par le son.

Comment s'est fait le contact avec Bondélice Records qui est un label plutôt électronique ?

C'est assez simple, je travaillais dans une boutique de disque il y quelques années… entrent deux personnes que je n’avais jamais vues auparavant… Ils sont en quête de nouveaux disques, me parlent de leur label naissant, Bondelice, plutôt orienté vers la musique électronique. Mais ils m’exposent leur idée de faire le lien entre le son d'hier et celui d'aujourd'hui, et me proposent de travailler avec eux sur des projets de rééditions et de compilations. J'ai bondi sur place bien évidemment. Cela marquait le début d'une amitié et d'une fructueuse collaboration.

Ce sont tes propres disques ?

Oui. Je possède tous les disques qui ont servi à faire la compilation, je les ai soit achetés soit échangés. Mais j'ai rendu à César ce qui était à César en remerciant tous les amis et contacts qui m'ont fait découvrir ce que je n'avais pas trouvé par moi-même.

Comment es tu allé dénicher des disques en Bulgarie, par exemple ? As tu un réseau d'informateurs ? Internet t'as t'il aidé ?

Comme je te le disais, je n'ai pas trouvé tous les disques tout seul. C'est un long travail de recherche. On ne peut pas véritablement parler d'informateurs, ce sont des gens comme moi qui cherchent des disques, collectionneurs ou dealers, et par le biais d'échanges permanents on fait vivre notre collection. C'est un premier moyen pour trouver des choses rares qui ne se voient jamais en boutique à Paris. Ensuite, on peut remonter la chaîne de distribution jusqu'aux producteurs de l'époque. Cela implique détermination et ingéniosité mais c'est souvent récompensé. Bien sûr les contacts ne tombent pas du ciel, il faut mener l'enquête. Enfin, il y a internet, le meilleur moyen d'être en relation avec tous les amateurs de musique dans le monde.
Développer un réseau prend du temps, mais quant tout est en place on a accès à tous les disques de la terre, même les plus obscures raretés. Pour répondre précisément à ta question, j'ai trouvé les albums des Chakachas, d'Isabelle Aubret et de Wilson Simonal dans des dépots-vente à Paris ; Reverberi et Embryo dans des boutiques à l’étranger ; Jazz Celula et Dan Mindrila auprès de mon ami Planman, très branché sur le jazz de l'est ; Jordi Sabates chez un ami DJ anglais ; Babla est une véritable perle dénichée au marché au voleurs de Bombay lors d'un voyage l'année dernière…

Cela a du être un casse tête pour retrouver les ayants droits non ?

Oui. C'était clair de toute façon, la compilation ne sortait pas si les droits n'étaient pas clearés. Je l'avoue j'ai laissé ce travail fastidieux à ceux qui savent bien le faire (c'est notamment Shaoline qui a assuré sur ce point). Je peux te l’assurer, ce n’est pas une chose facile. Nous avions un projet de compilation l'année dernière, abandonné pour un problème de droits. Impossible de retrouver à qui s’adresser… Et pourtant il y avait des noms connus. Les maisons de disques, qui ont racheté à tour de bras des labels et leurs sous-labels, ne savent même pas à la tête de quelle richesse elles sont. Elles ne connaissent pas leurs catalogues. Tant qu'elles sont dirigées par des commerciaux et non par des amateurs de musique, on est condamné à des compiles pourries et des rééditions inintéressantes et inaudibles. Heureusement il y a les labels qui font vivre la musique… mais ils ne sont pas récompensés.

Comment s'est fait le choix des morceaux ?

Il y avait plusieurs contraintes… que j'ai imposées à moi-même. Il fallait que ce soit bon. Et pas un " bon " subjectif, un " bon " objectif. Qui fasse l'unanimité. Il fallait que ce soit rare, mais pas trop non plus. Des noms qui sont connus, d'autres moins. Je ne voulais pas uniquement contenter le gotha des collectionneurs en mettant des choses trop pointues. Je voulais m'adresser à un plus vaste auditoire. Faire apprécier cette musique à ceux qui écoutent du jazz, du funk et de la samba, -qui en écoutent beaucoup ou juste un peu- mais aux autres aussi. En fait ce disque s'adresse à tous, producteurs, djs, collectionneurs, programmateurs, et surtout aux simples amateurs de musique dont il ne faut oublier que l'ont fait partie.

Qui est Victor Kiswell ? Un collectionneur, un dj ? Quel est ton rapport avec le milieu de la musique ?

Pour faire court, je cherche des vinyls depuis l'age de 14 ans. Ca a commencé par la soul tendance Motown pour évoluer vers le funk du début des 70's (J.B's-Parliament-Herbie Hancock) à 18-19 ans, quand je me suis mis à mixer. Peu à peu le jazz-funk a pris le dessus. Cette tendance s'est accentuée quand je suis passé au son européen, après avoir saturé des productions américaines. Aujourd'hui j'apprécie surtout les Anglais, les Français et les Italiens, et je regrette d'être passé à côté de toutes ces belles choses lorsque j'étais adolescent.
Sinon, je n'ai jamais apprécié la disco ou le funk 80 américain, ou à de très rares exception. Quel dommage que les Français bloquent là-dessus. C'est une question de curiosité je crois. Oserai-je dire que c'est un problème de culture…
A part ça, je passe des disques dans les radios, clubs et bars… mais je préfère de loin l'ambiance des fêtes en appartement. Quand les gens sont tous liés plus ou moins, qu'il y a du monde, que l'objectif c'est de s'amuser et pas de se montrer. Ça ne m'empêche pas d'aller mixer dans des boîtes, mais j'aime moins l'ambiance. Ah si ! j'ai de très bons souvenirs du Hot Brass (il y a longtemps, avec le groupe Metis), et du Globo (avec Multifunkshun).

A côté de ça j'écris des articles sur la musique dans une petite revue bien foutue qui s'appelle RPM. C'est assez confidentiel mais ça gagne à être connu. Et puis je fournis des samples à des producteurs de hip hop. C'est très intéressant. Ça implique une perpétuelle recherche de sons nouveaux. Et ça m’apporte un peu de sous aussi.


Interview - Victor Kiswell
D'où vient ce surnom de victor kiswell ( chais pas pourquoi ça me fait penser à un nom d'agent sercret ;o) ) . Je te joins un p'tit truc que j'ai trouvé en dépôt vente (voir image)

Bravo pour ta petite enquête...
C'est effectivement en voyant ce label tourner sur une platine il y a quelques années que m'est venu l'idée de l'associer à un prénom. Je n'aime pas trop le terme de DJ pour me définir. Je suis nul en technique. Je suis un plutôt un pousseur de disque et je préférais un nom de personnage de roman ou de film. Et j'aime bien Victor (c’est le nom de mon fils, aussi).

As tu d'autres projets musicaux ?

Je caresse l'idée de sortir un album un jour. Avec mes propres compositions. J'essaie depuis quelques années de bidouiller quelques morceaux, mais je ne veux rien sortir tant que je ne suis pas satisfait. Ca peut durer encore un certain temps. Non, pour être sérieux, je m'y mets à fond l'année prochaine. Mais tu sais comment c'est, il faut s'enfermer en studio, ne faire que ça pendant un moment. Il me faut du temps et je ne l'aurai vraiment qu'en 2003.

Un autre tour du monde est il prévu comme le laisse sous entendre le vol.1 ?

Oui. L'idéal serait un véritable tour du monde en trois volumes. Du Canada à l'Australie, du Pérou au Japon en passant par le Cameroun et la Turquie. Le deuxième volume est en préparation. Ca devrait être pas mal, mais je garde encore tout ça secret pour bonifier l'effet de surprise. Si tout va bien un quatrième et dernier volume devrait être une collaboration de plusieurs producteurs de house ou de trip hop, donc un album de musique électronique, mais qui aura la particularité d'avoir samplé les titres des trois volumes précédents de The Urge. Et voilà, la boucle sera bouclée… et on repartira sur autre chose. Du mouvement, toujours du mouvement…

Une ultime question : quels sont tes 10 disques préférés ?

Mes dix disques préférés... ça dépend des jours...
Enfin, en voilà dix que j'aime définitivement :

Nino Nardini - Jungle Obsession
Mahmoud Ahmed - Ere mela mela
Cortex - Troupeau bleu
Serge Gainsbourg - Anna
Marvin Gaye - Trouble Man
Giuliano Sorgini - The Living Dead at Manchester Morgue
Dorothy Ashby - The Rubaiyat
David Axelrod - Song of Innocence
Novi Singers - Torpedo
Cannonball Adderlay - Soul of the Bible

Dans cinquante ans je les aimerai toujours je pense.


mys35 _

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