Interview - Sandra Nkake

Sandra Nkake - Une diva soul est née

Mercredi 21 Mars 2007

La scène soul française peut s’enorgueillir d’une nouvelle recrue formée à l’école de l’underground.
Chanteuse, musicienne, comédienne, bien dans sa (couleur de) peau et ses baskets, Sandra est la révélation de l’année dernière. Elle gravite autour de la scène funk depuis de nombreuses années mais est aujourd’hui sur le devant de la scène, en son nom. Plus qu’une voix, c’est sa générosité et l’émotion qu’elle dégage sur scène qui font d’elle un diamant à l’état brut dont on attend qu’il dévoile toutes ses brillantes facettes cette année.
Rencontre.


Peux-tu nous parler de ton parcours et de tes débuts ?

Interview - Sandra Nkake
J’ai l’habitude de dire que j’ai débuté par hasard car au départ je voulais être prof d’anglais. J’ai commencé un deug d’anglais à la Sorbonne, mais je pense que c’était plutôt pour faire plaisir à ma mère, pour la rassurer et lui montrer que j’allais entrer dans une voie sérieuse. Je passais plus de temps à chanter dans les couloirs qu’à être en cours. Une copine de l’époque, Valérie Gomlobec, m’a parlé d’un groupe qui cherchait un chanteur ou une chanteuse et m’a convaincue d’aller à l’audition. Ça m’a fait rigoler car à part chanter sous ma douche ou avec les copines dans la rue et écouter Prince à fond, je ne m’étais jamais imaginée faire de la musique. C’était l’occasion de sécher les cours alors j’ai dit oui, tout en pensant que je ne serais pas prise.
Lors de l’audition, j’ai rencontré David Taieb ( Dj Shalom ) qui m’a fait écouter plusieurs morceaux. J’étais un peu mal à l’aise car c’était vraiment comme un casting. Je ne savais pas trop comment m’y prendre, alors je me suis mise à chanter en plein milieu de la conversation. J’ai chanté un morceau de Des’ree que j’écoutais à l’époque. A la fin, je suis restée tétanisée. Le lendemain David m’a rappelée. J’ai rencontré le reste du groupe, THT dont Marlon (Mozesli, ElDiez…) vers 1993.

Peux tu nous parler de ce fameux groupe pour lequel tu as auditionné ?

Il s’appelait Five. C’était un peu étrange car le groupe essayait de reprendre après avoir plus ou moins cessé d’exister. Je remplaçais le chanteur, Manu (« 7 »). Il n’y avait pas vraiment de but précis. Personnellement, je ne connaissais rien à la musique. Je ne savais pas ce que cela signifiait de chanter juste ou placé, et encore moins de composer un morceau…
Pendant un an, on a bossé dans le studio de David, sans jamais faire de concerts. Le groupe a donc splitté progressivement. De mon côté je n’étais pas prête, tandis que Marlon est devenu moins disponible quand il a commencé à bosser avec Sinclair et que Shalom avait également ses propres projets. Mais nous nous voyons toujours et on bosse ensemble sur différents projets (El Diez, Mozesli, Phoenix…). Dès que l’un a un plan il appelle les autres. On est toujours en contact, notamment via M.

Comment as-tu rencontré la bande de musiciens funk qui t’accompagnent ?

De fil en aiguille j’ai rencontré plein de musiciens et de comédiens. J’ai moi-même commencé à faire du théâtre, et aujourd’hui encore je cumule les deux casquettes.
Fin 1993, j’ai rencontré Juan Rozoff que je ne connaissais pas du tout. J’accompagnai mon mec de l’époque pour boire un café chez Juan. On discutait de tout et de rien jusqu’au moment où il a pris sa guitare. Là j’ai compris à qui j’avais affaire (rires) et je me suis dit qu’un jour je bosserai avec lui. J’ai ensuite rencontré 13 NRV : Vincent (Theard), Nils (Lulsens), Pitt, Chili (Cyril Guiraud), Simon Andrieux, Jay Golden, Didier Combrouze, Franck Mantegarri.
En travaillant avec Marlon et David je suis très vite allée à des fêtes où j’ai rencontré de nombreux musiciens. Ca finissait souvent par des bœufs qui duraient jusquà 4 h du mat et je me retrouvais à dormir la tête dans la batterie.
De copains en copains (Ardag, Mathians de 2GoodProd…), on finit par être invité à des concerts, on rencontre d’autres personnes. Je ne me rendais pas vraiment compte et maintenant non plus d’ailleurs… Ca se fait naturellement.

Ta rencontre avec Booster ?

Flore sparfel - China club (Septembre 2006)
Flore sparfel - China club (Septembre 2006)
Je l’ai rencontré via Juan Rozoff, il m’a appelé en été 2004 en me disant « J’ai fait un morceau, You’re the one, avec un gars qui s’appelle Booster et il cherche une voix pour son nouvel album et ce serait bien que tu le rencontres ». Quand j’ai vu l’adresse, Bougival (ndlr : situé au fin fond des Yvelines) j’ai flippé (rires) en bonne parisienne feignante et raleuse que je suis.
J’y suis allée quand même, malade et je suis arrivée devant une petite maisonnette. Le studio attenant était une vraie caverne d’Ali Baba : ordinateur, mpc mais aussi batterie, guitare, clavier, percussions brésiliennes. Y’en avait de partout. Avec ce petit mec un peu maigre qui ne paye pas trop de mine, un peu timide la première heure. Il m’a mise à l’aise assez vite. Il m’a fait écouter des trucs, j’aimais bien le deuxième morceau alors il a branché le micro et j’ai fait deux prises juste pour voir ce qui sortait. Ça a donné « Be your thang », notre première collaboration.
Depuis on a du mal à se lâcher. Ce que j’ai le plus adoré dans cette rencontre c’est que j’ai compris qu’il fallait avant tout se faire plaisir.C’est très bien d’être sérieux et de vouloir étudier l’harmonie, le rythme, c’est même primordial, mais il faut avant tout faire confiance à ses oreilles et à son corps pour ensuite faire le tri.

Booster est multi instrumentiste mais il reste humble. Il peut entendre une texture et avoir envie de la reproduire, comme un gamin. Il a gardé cette part de sérieux qu’ont les enfants quand ils jouent. C’est ce qu’il a en plus de nous autres. C’est un « fouteur de fonk ».

Il a des sortes de rythmiques qui s’emboîtent dans ses morceaux. La question qui revient tout le temps c’est « il est où le un ?? » !! Ça part dans tous les sens.

Je me souviens de l’avoir vu au Sunset avec Guizmo (ndlr : Guillaume Farley), François Faure et à un moment donné j’ai vu que Guillaume avait un casque dans les oreilles. Il a lançé une ligne de basse et quand j’ai commençé à la suivre je me suis dit « mais qu’est ce qui se passe ? ». Tu sens que t’es porté vers autre chose, ton corps est happé et t’es obligé de suivre, tu ne comprends pas mais ce n’est pas grave. Tu te dis « je n’ai pas envie de comprendre, je n’ai pas besoin, je sens et ça défonce ».
Ça a donné un an de résidence au Tryptique, un concert chaque mois, des invités différents, un répertoire qui change tout en gardant la patte du chef d’orchestre. Un mec qui entend tout dans sa musique en restant ultra cool et très ouvert. « Ode à booster » (elle chante façon lyrique, rires)…
Je pense qu’il a beaucoup participé à ma « libération ». Je me prends moins la tête et je fais confiance aux petites idées qui me traversent la tête. Si j’ai envie faire un peu de batterie ou de la basse sur un morceau je le fais, sans avoir peur du regard des autres

Quelles sont tes influences soul & Funk ? Est-ce que c’est via la recontre avec Dj Shalom ou tes parents, je pense notamment à ton père qui est camerounais tout comme Manu Dibango

J’ai été élevée par ma mère, unne grande fan de musique mais qui n’avait pas de barrières dans les styles. J’ai écouté aussi bien Aretha Franklin, Otis Redding, Stevie Wonder que Bonnie Rate, David Bowie ou du flamenco. Elle adorait aussi Chopin, Cat Stevens, Joan Baez, Tracy Chapman.

Par contre en rencontrant Marlon, j’ai commencé à écouter beaucoup plus de soul et de funk Mes goûts se sont concentrés sur la période 1969-1979 mais je suis très large comparée à Marlon. J’ai découvert Al Green, Curtis Maylfield, Millie jackson, Donny Hattaway, ou encore Betty Davis qui a été une rencontre agréable. J’ai halluciné quand j’ai vu la pochette de « Nasty Gal ».

Tu reprends d’ailleurs un de ses morceaux en live ?

Oui, « Antilove song ». C’est un kif !

Et Prince dans tout ça ?

J’ai découvert Prince quand j’avais 16 ans. J’ai rencontré deux copines qui sont devenues mes meilleurs amies et qui m’ont fait écouter « Darling Nikki » de Prince. Je n’aimais pas spécialement l’artiste car je ne connaissais que « Purple rain » qui m’avait gavé. Et là c’était un morceau incroyable avec des guitares saturées. J’ai adoré et je me suis farcie Prince à fond pendant des années, n’écoutant pratiquement que ça.
C’est aussi ce qui m’a rapprochée de Marlon et David car nous sommes tous les trois fans de Prince.

Tu as rencontré Geno Young qui est venu à Paris à la rencontre d’artiste Soul pour monter un projet de compilation. Peux-tu nous en parler ? As-tu ressenti une approche différente de la musique (Geno Yound a été directeur musical d’Erykah Badu p

Geno cherchait des voix pour une compilation franco-américaine. Un vieux pote qui m’a appelée, en me disant que ça serait bien de le rencontrer. On s’est retrouvé en studio. A ce moment-là il y a eu un désistement à la nuit Zebrée (ndlr, émission enregistrée en live avec concerts et interviews organisée par Radio Nova à Paris). On m’a demandé de la faire mais mes musiciens n’était pas disponibles et du coup on a fait un duo ensemble.
On est toujours en contact.
On a fait un morceau pour la compil, j’attends des nouvelles. Il y a K-Reen, Les Nubians, Obam, la chorale We are one. Ça c’est fait super vite et je n’ai pas tous les détails

Je n’ai pas ressenti de différence par rapport au milieu dans lequel j’évolue (ex Juan, 13NRV). On a tous une approche très instinctive. Il a beaucoup étudié mais ce qui ressort c’est le bidouillage, l’essai. Il est très simple, au bout d’un quart d’heure il faisait des vannes pourries et on rigolait tous. Par contre il a une certaine exigence quant à ce qu’il faut garder, un peu comme Vincent (Théard). C’est bien de se faire plaisir mais sur la bande on ne garde que ce qui va vraiment faire surkiffer. Le reste on l’enlève, même si c’est bien. Ce n’est pas du tout de la prétention, c’est pour être sûr qu’on sera content de tout.
On est un peu dans la même problématique pour faire émerger cette scène soul. Ça nous paraît plus gros aux Etats-Unis mais Geno Young est super underground. Même Van Hunt commence à peine à se faire connaître. Il a fait la première partie de Mary J Blige pour toucher un public plus large. Il m’a dit aussi qu’il ne fallait pas croire que les Beyoncé ou autre avaient plus de facilités parcequ’ils étaient en major. Ils ne font certainement pas tout ce qu’ils veulent. L’underground c’est un choix car ça donne une marge de liberté artistique plus grande même si on aimerait pouvoir en vivre.
On essaye de créer un réseau. Geno est pote avec Erykah Badu bien sur, mais aussi Common, Carmen Rodgers, ou Sy Smith qui mélange soul et électro bien barré. Tous ces artistes sont un peu hors des formats, comparés à leurs pairs de la même génération.

Quelle vision as tu de la scène soul parisienne ?

J’étais plutôt dans le registre funk et y’a un an et demi j’ai fait la Rimshot Party et j’ai découvert d’autres artistes comme Lisa Spada, Rony, Quinze, Stefan Filey.

Je me sens un peu excentrée même si j’aime ce qu’ils écoutent aussi et font.
J’ai peut être un côté un peu plus crade, plus brut et puis une autre manière de voir et de faire de la musique.

Je crois qu’il y a une différence de positionnement par rapport à pourquoi tu fais de la musique. C’est là que je me sens en décalage. Quand j’ai fait la soirée Soul Spirit il y a deux ans, je suis passé en premier et j’étais contente car j’ai découvert plein de gens que je ne connaissais pas mais surtout qui n’avaient pas du tout la même manière de faire la musique. C’est très simple. Evidement t’as envie de pouvoir faire des concerts, que les gens viennent et achetent tes disques, mais je ne fait pas de la musique pour qu’on me trouve géniale, pour être partout et pour dire « t’as vu comme j’suis jolie », « t’as vu comme je chante bien ».
Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas d’égo, mais juste que la musique est ma priorité.

Y’a des gens qui ont envie d’être Mary J Blige, moi j’ai plutôt envie d’être moi.
Ce qui ne veut pas dire que l’un est mieux que l’autre, ce sont deux approches différentes, même dans l’attitude par rapport à son groupe.

A quel moment es tu devenu Sandra Nkake, avec tes propres morceaux ?

Flore sparfel - Festival Jazz Enghien les Bains (Juillet 2006)
Flore sparfel - Festival Jazz Enghien les Bains (Juillet 2006)
Le répertoire que je joue actuellement est en place depuis deux ans.
Avant j’avais une place assez enviable dans différents groupes comme 13 NRV ou Juan Rozoff : j’étais la seule fille, pas vraiment choriste, mais plutôt chanteuse-sidewoman. J’ai bossé sur un projet électro - trip hop appelé « Ollano » (avec Marc Collin, Xavier Jamaux et Helena Noguerra). J’avais une soif d’apprendre et d’essayer des repertoires différents, de l’électro au funk, sans me donner de limites si ce n’est mon goût et mon plaisir.
J’ai rencontré Cheik Tidiane avec qui c’est un honneur de travailler.
Et plein de potes assez fous pour me suivre dans ce que j’espère être une grande partie de plaisir.

Peux-tu nous parler de ton projet d’album ?

Pas mal de morceaux sont préenregistrés et doivent être terminés. J’ai trois nouveaux morceaux.
On travaille à la maison avec Vincent (Théard).
Les morceaux que j’ai fait avec Booster seront sur son album. Je vais garder « The Way you walk » car je l’aime bien, mais on en fera une version différente.
On en a fait une version a cappella qui correspond bien à l’idée que j’avais du morceau, à savoir la progression dans la vie d’une nana un peu barjot. J’aurais du mal à en définir le style. C’est un premier jet donc c’est le creuset de nombreuses influences. Il y a quelques temps on m’a dit que je ressemblais à Millie Jackson, par exemple.
Ça reste Nina Simone d’un côté et Larry Graham de l’autre, funk d’un côté et pop de l’autre comme dans le morceau « Happy ».

Avec qui as-tu travaillé sur cet album ?

Essentiellement avec Vincent Théard, pianiste compositeur qui était le clavier de 13NRV, on s’est rencontré et on ne s’est pas vraiment quitté. On était potes, on est devenu voisins, on a fait beaucoup de concerts ensembles. Notre première rencontre s’est faite par la musique et on continue de faire beaucoup de musique ensemble même sans but précis, pour tel ou tel album.
On a composé certains morceaux ensembles et on va les co-produire.

Quel style ?

Puisqu’il faut « classer », alors classons !!! Je dirais Nu soul, ou Soul- Jazz, mais ça part dans des styles différents aussi.
Je crois que ce sont les gens qui vont décider où me ranger.

As tu déjà démarchéles maisons de disques, penser à signer ?

Penser signer, oui. Ce n’est pas un but en soi. Là je suis plutôt concentrée sur la finalisation de l’album.
Les maisons de disques ne sont pas la seule manière de sortir un album. Je pense que je ne vais pas tarder à les démarcher mais je voulais déjà avoir au moins 5 morceaux finis en studio d’abord. Tu ne peux pas arriver avec une maquette pourrie. J’essaye d’avoir un dossier assez conséquent : du son, de l’image …et aussi une vision de la façon dont j’ai envie de me vendre. Le projet est en anglais, ce qui peut coincer en France, mais rien n’exclut d’aller signer en Angleterre, au Canada ou aux Etats Unis, là où je vais sentir que c’est intéressant.
Je pense plutôt à Blue Note ou Capitol qui à mon sens ont les oreilles pour écouter avec bienveillance ce que je fais (rires).
J’essaye de monter une équipe derrière moi pour bosser sur la com, la diffusion. J’aimerais rencontrer un tourneur maintenant, car la scène c’est essentiel. Mais il faut une galette pour pouvoir démarcher.
Je vais essayer de tabler les festivals de jazz qui sont ouverts et éclectiques.

Sandra et ses gars…

Flore Sparfel - Festival Jazz Enghien les Bains (Juillet 2006)
Flore Sparfel - Festival Jazz Enghien les Bains (Juillet 2006)
Je suis entourée de potes qui me suivent et me soutiennent et que j’ai vachement envie de mettre en avant car sans eux ma musique ne sonnerait pas comme ça. Ils sont juste géniaux car chacun apporte sa patte, la plupart chantent en plus.
François Faure (Ostinato…) ou Vincent au clavier
Didier Combrouze, guitare et chœurs
Lawrence Clais à la batterie
Booster, claviers, progs et sound-design
Guillaume Farley, basse et chœurs !!
Un fou… c’est le seul qui m’ait dit avant de monter sur scène « T’inquiètes pas avec moi derrière toi il ne peut rien arriver » et c’est vrai que sur scène si quelque chose ne va pas j’ai juste à le regarder.
On a fait quelques concerts où les musiciens tournaient, c’était l’éclate, le laboratoire…
C’est cool d’avoir des concerts comme ça, pas du tout le show à l’américaine, mais où tu viens juste pour faire de la musique, aussi bien que possible. On est là pour s’éclater. On s’écoute, on rebondit et c’est comme ça que des morceaux naissent.
Tout d’un coup y’a un gros pain et personne ne fait la gueule car ce qui est marrant c’est comment on va faire pour se rattaper.
On a un public qui commence à être bien là, fidèle et qui n’hésite pas à être critique. A aucun moment ça ne donne la grosse tête, ça donne plutôt la niaque pour se dépêcher d’avoir un album et un tourneur et rencontrer des gens. Paris c’est super mais j’ai envie de bouger : Rennes, Lille, Toulouse, Montpellier !!

Quels sont les thèmes abordés dans tes chansons ?

La vie à deux, à trois, tous les états par lequel je peux passer en tant que femme, mère, chef de groupe, humain dans un monde que j’ai un peu de mal à comprendre.

Sandra Nkaké live aux Nuits Zébrées - 26 Mai 2006


On te sent consciente, vas-tu développer ce coté engagé ? As-tu des textes ?

J’en ai mais ils sont dans ma tête et je n’ai pas encore réussi à les mettre en chanson. Ils sont en français. C’est en cours parce que ce n’est pas facile de dire vraiment ce qu’on pense, de réussir à le formuler musicalement pour que ça puisse toucher les gens sans qu’ils aient l’impression que tu leur donnes une leçon. Si chacun pouvait être un minimum conscient de ce qu’il fait, de ce qu’il dégage et de comment il faut se comporter pour que les choses aillent moins mal… Déjà si les gens apprenaient à se parler correctement, à se regarder... Souvent on m’envoie des regards que je ne comprends pas…

Avant j’avais un peu peur, je me sentais comme un électron libre. Maintenant je sais que je ne suis pas toute seule et que pour être bien avec les autres, il faut déjà être bien avec soi et être conscient du boulot qu’on a à faire.
Le petit boulot que j’ai à faire, c’est essayer de faire oublier leur soucis aux gens, pendant quelques heures, qu’ils s’éclatent, qu’ils transpirent, qu’ils rigolent, qu’ils pleurent, qu’ils s’expriment.
J’ai la chance de pouvoir le faire et de pouvoir en vivre, d’être une femme et de pouvoir côtoyer des hommes sans me faire lyncher ou brûler. J’ai choisi d’avoir des enfants quand je voulais en avoir, j’ai de la chance. Je sais où dormir, quoi manger, mes enfants sont en bonne santé. J’essaye de leur donner le plus de liberté possible.

Et ta condition de femme ?

Evidemment je me sens privilégiée parce que je suis en France, que je n’ai pas d’accent camerounais, que j’ai mes papiers…
Pour ce qui est du rapport de la femme à son propre corps, du rapport de la femme à l’homme, je trouve que les femmes sont souvent très "macho". Il y a plein de choses qu’elles ne vont pas s’autoriser sous de mauvais prétextes ou de par l’éducation judéo-chrétienne.
Si aujourd’hui j’ai envie de mettre deux boucles d’oreilles différentes, je peux le faire. J’ai le droit de dire « quand tu me prends comme ça j’aime pas, viens c’est pas grave on discute ». Les filles, arrêtez de simuler car les mecs ne sont pas au courant. Ça peut paraître complètement bateau mais ce qui fait que les relations se sclérosent et deviennent complètement pourries c’est souvent qu’on n’ose pas se dire la vérité. Ne te mets pas à la place de l’autre, dis ce que t’as à dire, en prenant des gants. Mais je vais toujours me démerder pour dire ce que je pense.
Du coup ça laisse un champ des possibles qui est assez large.

Peux tu nous parler de ton spectacle Un aller pas si simple ? Quel est ton rapport à l'Afrique ?

Il y a six ans on a monté un spectacle à trois qui s’appelle Zig Zag avec Hafida Tahri qui est marocaine et Phillis Roome qui est anglaise. 3 générations, 3 origines différentes ou 3 femmes qui se sont retrouvées à Paris. On chantait en yidiish, espagnol, anglais…
C’était une envie de partager une ouverture sur le monde et un destin commun à toutes les trois, c’est- à-dire qu’on avait toutes envie de dire « je sais d’où je viens mais on s’en fout ». Ce qui est important ce n’est pas la couleur de ma peau ou la religion de mon père c’est ce que j’aime dans la vie et ce que j’ai envie de devenir comme personne. A cette époque là, j’ai été contacté par le magazine Amina pour faire une interview. Je leur ai dis ok mais pour une interview à trois et on m’a répondu que les autres n’étaient pas « négro-africaines ». Du coup je ne l’ai pas faite, car j’ai trouvé ça très con.

J’ai rencontré via ce spectacle la conteuse libanaise Praline Gay-Para qui m’a aidée à mettre en forme mes textes, des récits de vies, qui m’a montré comment transformer un récit de vie en un texte auquel tout le monde va pouvoir se raccrocher. De cette rencontre est née le spectacle "Un aller pas si simple" et une amitié. Elle a eu l’occasion de monter un spectacle à Chevilly-La-Rue, un hommage à la diaspora noire. Elle avait l’envie de mettre l’Afrique là où on ne l’attend pas. Plutôt que de jouer du balafon ou du djembé, elle avait envie de blues et de soul. Elle m’a contactée car sur scène, elle voulait des voix, elle voulait entendre Nina Simone. Comme je suis comédienne, elle m’a fait raconter et chanter et je lui ai demandé de chanter elle aussi. Nous avons fait des adaptions de nouvelles de Chester Himes, de mélodies de Toto Bissainthe, on a pioché dans le repertoire des caraïbes aussi. On voulait mettre l’Afrique et l’africanité là où on pensait qu’elles étaient, c'est-à-dire en nous. Ce n’est pas parce que tu vas porter un boubou que t’es africain. Il y’a des gens qui habitent au Cameroun qui le sont beaucoup plus que moi parecequ’ils ont les codes de là bas.

Le Cameroun ?

J’ai été un peu déchirée entre le Cameroun et la France jusqu’à mes douze ans. Je passais un an ici et un an là bas. Quand j’étais là bas je vivais avec ma grand-mère, une bretonne, blonde aux yeux bleus et on m’appelait la petit blanche parce que mon niveau de vie me mettait en complet décalage avec les autres. A Noël j’avais un sapin avec des guirlandes, des boules et de cadeaux. Mes voisins avaient un arbre séché ou un balai qui faisait office de sapin. Quand je revenais ici, j’étais bamboulette ou blanche neige… Pourtant quand je me regarde dans la glace, je ne me vois ni noire ni blanche.
Et puis en ce moment je croise pas mal d’Africains ou de Noirs avec qui je me fâche car leur première question est « tu es de quel ethnie ? »

J’ai participé à la deuxième édition du salon Boucles d’ébenes cet été qui fait la promotion de la beauté noire naturelle. J’étais très fière d’y participer et de rencontrer des artistes différents : bijoutiers, coiffeurs, peintres, musiciens. C’est un milieu qui commence à se rassembler sans attendre des quotas ou une visibilité. Si on ne fait pas les choses, personne ne va le faire à notre place. Tu ne peux pas demander à un Franco-Français-Blanco-Blancais d’avoir envie de mettre un noir à la télé. C’est pas que c’est raciste, c’est juste que ses voisins sont blancs, il n’y pense pas.
Voilà, ce que j’ai d’africain en moi, cette espèce de foi en la vie et en même temps l’idée que tout peut s’arrêter, que je peux sortir de chez moi et me faire renverser par un camion.
Je dis « Maiouais » tout le temps (ce qui ne veut pas dire que je ne me réveille pas de mauvaise humeur)
Il faut tant que tu peux, profitons en, kiffons (rires)!!

Parfois avec certains Antillais que je croise, c’est le clash. C’est avec les Antillais que j’ai eu les plus grosses altercations car on m’a ressorti la phrase « vous nous avez vendu ». Je réponds que je n’y étais pas à l’époque et que je n’y suis pour rien !!!
Ils se disent le fruit d’un « viol », le « viol d’une civilisation » ! Personne ne peut en ressortir indemne. Après on te dit que tu es français mais tu ne l’es pas vraiment.
Tu es français mais tu n’as pas totalement ta place dans ce pays.
La créolité est un état complexe et difficile.
Je suis allée au cameroun après 17 ans d’absence, c’était plus que nécessaire pour moi et je me suis pris une violente gifle. J’ai juste vu que j’étais parisienne !! Même avant d’être française. J’ai un accent de Parigot, j’me la pète, j’suis trop pressée (rires) et en même temps je me sens bien partout. C’est plutôt une question de rencontres et du milieu dans lequel tu évolues. Pour moi ce sont plutôt les milieux artistiques, donc des gens plus ouverts sur le reste du monde, qui ont plus de possibilités.
Maintenant avec Internet, on peut bosser sur un morceau à distance donc les frontières sont mentales et financières.

Et en chanson ?

Ce ne sont que de petites approches car je manque encore de confiance en moi

Les projets & l'actualité ?

Pour l’instant je suis plus centrée sur mon album, je dois finir certains morceaux dont ceux avec Booster.
Je suis aussi sur un projet de pièce de théâtre mise en scène par Marianne Grove, c’est une adaptation des interviews de personnes qui ont passé un temps plus ou moins long dans le couloir de la mort.
Quelques featurings à gauche et à droite
Une collaboration avec Gerald Toto. Il essaye de créer un événement, un mouvement qu’il a appelé « K Soul ». K pour créole, pas que dans la négritude car on aimerait inviter des gens comme Naturalibus ou David Walters (avec qui j’ai une grande envie de collaborer !).

"SexFriend" le morceau de Booster sur lequel je chante, et qui passe en ce moment sur Nova, est en vente sur plusieurs plate-formes dont E-Music et I-Tunes Music Store

J’ai aussi un projet 100% Féminin.

En savoir plus :


Interview - Sandra Nkake

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