Interview des Shaolin Temple Defenders

Lundi 17 Avril 2006

Après une après-midi de crate digging en compagnie de Xabi et Manu, respectivement batteur et chanteur des Shaolin Temple Defenders, Adri3n et Kzimir ont pris le temps de discuter longuement avec The Lion of Bordeaux, tranquillement assis devant une bière.


Interview des Shaolin Temple Defenders
Adri3n : Pourquoi ce nom de « Shaolin Temple Defenders » ?

Manu the Lion of Bordeaux : A la base c’était une idée des trois instigateurs du groupe, le batteur Xabi, le clavier Cédric et le saxophoniste Grat. On délirait sur les films de kung-fu et le nom « Shaolin Temple Defenders » a été lancé. On en est venu à créer tout un univers, avec des noms de moines pour chacun. Comme les moines Shaolin qui défendent le temple bouddhiste, nous défendons le temple soul-funk. Et pour chaque concert, on trouve des maximes tirées de notre livre sacré, pour mettre sur les flyers. Par exemple : « Et les moines partirent en croisade dans la capitale parisienne ». L’idée c’est de se créer notre petit truc à nous, dans un esprit un peu « communautaire ».
Toujours dans cet esprit on prépare un ciné-concert à Bordeaux, le 12 mai. On va recréer une bande son pour l’Hirondelle d’or, un grand classique du kung-fu. Le clavier et moi préparons une heure et demie de musique adaptée à l’ambiance et à l’histoire. Un sacré challenge !

Kzimir : Quelle est l’origine du groupe ?

MtLoB : Xabi, notre batteur jouait déjà avec le clavier et le sax dans un groupe appelé Moon Hop, qui joue du rocksteady et du ska sixties. Ils ont été rejoint par le guitariste, Pierrot, et par le bassiste d’un autre groupe bordelais, Adji. Ils se sont tous retrouvés autour de l’idée de jouer de la soul et du funk, mais sans prétention, dans un esprit « side project ». Tout le monde avait déjà son groupe, et c’était l’envie de jouer du funk qui les a motivés. Ils ont commencé à chercher un chanteur et comme je suis ami de longue date de Xabi et du guitariste, avec qui j’avais déjà joué dans d’autres groupes, ils m’ont proposé de participer. Par la suite, le groupe a un peu évolué car le bassiste a du abandonner par manque de temps. Il a été remplacé par Jérémy et on a ajouté une trompettiste, Laure.
Les musiciens viennent un peu d’horizons différents. Les gars de Moon Hop écoutent beaucoup de musique jamaïcaine ou de surf music et Xabi et Grat étaient les plus initiés en matière de funk. Les autres ont découvert la soul et le funk ensemble, à partir de la création du groupe. Personnellement je chantais pas mal de blues. Comme tout le monde, je connaissais James Brown ou Aretha Franklin, mais il y a beaucoup de choses que je n’écoutais pas du tout, notamment toutes les nouvelles productions. Quand ils m’ont fait la proposition d’entrer dans le groupe, je suis allé chez le disquaire, j’ai acheté plein de disques, et j’ai vraiment découvert la soul.
On a commencé à jouer ensemble en 2004 et on a très vite été jeté dans le bain. Pour nos premières représentations on s’était associé avec des breakers. On avait monté un petit répertoire qu’on jouait pour leur spectacle de danse, dans le cadre d’un festival urbain, dans les centres sociaux. Mais notre premier vrai show, avec nos morceaux de A à Z, c’était en première partie de Sharon Jones, pour sa première venue à Bordeaux en décembre 2004 ! Un souvenir mémorable. Les Dap-Kings étaient très étonnés que des petits Frenchies jouent ce style de musique. Depuis, on a refait plusieurs fois leur première partie, et ils nous donnent toujours des petits conseils, ils nous soutiennent. Ils ont vraiment un super état d’esprit.


Interview des Shaolin Temple Defenders
Kzimir : Et comment est arrivé le projet de l’album ?

MtLoB : L’album ça a été un énorme coup de speed… A la base on devait juste sortir une maquette. Mais quelques mois avant la phase d’enregistrement, on a réfléchi tous ensemble et on a décidé de se lancer directement. On avait reçu le soutien du label Soul Beats Records et de Fred de Music Action, un tourneur bordelais. On a établi un partenariat avec eux, sous le label Soul Beats, tout en restant producteurs de l’album.
On a fait un album avec sept morceaux studio mais aussi cinq titres en public, pour retranscrire l’énergie des concerts. Et deux des morceaux studio ont été enregistré en prise live.
L’enregistrement studio a eu lieu au Krakatoa, une grosse salle à Bordeaux. Les Shaolin font partie de leur pépinière, un système de soutien et de promotion pour les groupes. C’est dans le cadre de ce processus qu’ils nous ont accueilli pour l’enregistrement ce qui nous a permis d’avoir d’excellentes conditions de travail.
Le visuel de l’album a été réalisé par un gars qui s’appelle Renaud Subra, qui nous a été présenté par les gens du Krakatoa. Il a commencé par travailler sur nos affiches, et il a repris ses idées pour la pochette. On a opté tous ensemble pour un projet relativement sobre. Il a fait un super boulot, notamment pour l’intérieur de la pochette.

Kzimir : D’ailleurs, ça correspond bien avec le reste de votre image. Sur scène, vous préférez le costard et le côté « soul revue ». Vous ne surjouez pas le « funk à paillettes » comme beaucoup d’autres…

MtLoB : Je respecte leur travail, mais le côté strass et paillettes je trouve ça ridicule. Et souvent ils produisent un funk hyper froid que je n’aime pas du tout. Je respecte Funkadelic, Parliament, qui ont fait des morceaux très intéressants à leurs débuts, mais quand ça part dans les délires « glam » j’ai du mal… Je vois pas mal de groupes en France qui partent dans ces délires là, et ça ne me parle pas du tout. Et dans le groupe on est tous pareils. N’importe quel membre du groupe, si on lui passe un morceau de Funk 80, il va dire « mais qu’est-ce que c’est que ce truc !?!? »…

Adri3n : Vous vous sentez un peu isolé en France, par rapport à votre style de musique ?

MtLoB : On regrette un peu de ne pas être présent sur « La France made in Funk », parce que de fait on fait partie du funk produit en France. Mais le style qui est proposé ne nous représente pas. Tant mieux si cette compilation existe, mais ce qu’on fait ne correspond pas au style de funk qu’ils mettent en avant.
Personnellement, j’aimerai bien qu’il y ait plus de groupes dans ce créneau-là. D’ailleurs le bassiste et le clavier des Shaolin Temple Defenders participent à un autre groupe bordelais, qui joue de la soul 60’s-début 70’s : « Diane & the Bad Soul Band ». Leur chanteuse est vraiment excellente, une vraie « soul sista ». Mais en dehors d’eux, je ne vois pas d’autres groupes. Pourtant j’essaie de chercher, de me renseigner. Je trouve des groupes un peu Rythm’n’Blues, qui jouent surtout des reprises, ou alors des choses très années 80. Du coup on se sent un peu seul.
Pourtant, ailleurs dans le monde et en Europe y a les Speedometer, Quantic, Poets of Rythm, etc… mais j’ai l’impression qu’en France, on est un peu en retard. Les Anglais, les Allemands, les Suédois, les Finlandais, sont à fond dedans, mais ici c’est le désert. Sauf peut-être par la culture DJ Hip-Hop, mais ça reste un public limité.
Quand j’ai commencé dans le groupe, j’ai dévoré un maximum de disques. J’ai tout de suite accroché sur pas mal de chanteurs soul, notamment Sam Cooke, mais aussi Marvin Gaye, Al Green, Et après, par le biais des compilations, j’ai découvert les JB’s bien sûr mais aussi tous les groupes ou les morceaux un peu inconnus. J’adore aussi l’afro-beat, Fela Kuti, etc. Il faut une certaine ouverture d’esprit, il faut construire les connexions, comme le font les Dap Kings ou Antibalas à New York. Hélas en France tout est extrêmement cloisonné.

Kzimir : Mais en même temps vous avez eu la chance d’avoir du soutien à vos débuts…

MtLoB : C’est vrai qu’on a eu beaucoup de soutien et beaucoup de chance. On est en conscient d’ailleurs.
Le fait qu’on vienne de Bordeaux, du Sud de la France joue aussi un rôle en créant une espèce d’exotisme. On en joue un peu avec notre morceau « Soulville Bordeaux », qui s’inspire du slogan de Stax. Quand on le joue à Bordeaux y a un côté scène locale qui accroche les gens Ca crée une image et un engouement. Et puis on espère aussi relancer l’intérêt pour une musique qui n’est pas très connue en France. Sans aucun opportunisme ! On ne s’est pas dit qu’il y avait un créneau à exploiter. Il y a une vraie passion pour cette musique chez tous les membres du groupe, mais on s’est aussi rendu compte du vide. Ca nous encourage à recréer pour le public français l’ambiance qu’il y a autour de cette musique: le côté show à la JB’s, costards, présentation, etc. Après tout, moi je suis un chanteur blanc des années 2000 en France. Historiquement et culturellement, je suis bien loin d’un chanteur black des années 1960 au Texas. Mais on essaye de retrouver le côté universel de la musique pour le transmettre en France.

Adri3n : Vous intégrez en effet toutes ces références, mais vous jouez finalement très peu de reprises. Comment fonctionne l’écriture au sein du groupe ?

MtLoB : Les trois quarts de notre propre répertoire ont été composés par le clavier et moi. On écrit les partitions pour tout le monde. Personnellement j’élabore souvent les morceaux sur ordinateur. Quand j’ai une idée de morceau, j’enregistre la basse, la batterie, la guitare, un thème de cuivres, et après je propose le tout aux autres membres du groupe. Ensuite les morceaux bougent quand on les joue tous ensemble. Chacun propose ses améliorations, on modifie, on cale, etc. Ca reste un travail très collectif. Mais effectivement, nos compositions sont très référencées. Tu retrouves souvent un riff, une accroche, mais les arrangements jouent aussi un rôle essentiel pour donner l’originalité.

Kzimir : Y a-t-il des collectionneurs parmi les membres du groupe ?

MtLoB : Xabi est clairement le plus collectionneur, le plus féru de vinyles, parce qu’il est aussi DJ à Bordeaux, sous le nom de Lord Aquacity. Il fait des soirées de temps en temps. Personnellement je collectionne des disques depuis longtemps, mais dans plein de styles différents. Le plus grand acheteur reste Xabi. Les autres écoutent beaucoup, mais sans passer forcément beaucoup de temps dans les bacs, à fouiller, etc…
Et puis il y a aussi des goûts et des horizons différents. Notre guitariste est très fan des musiques d’influence africaine ou afro-latines. Y a aussi le reggae ou le jazz.


Interview des Shaolin Temple Defenders
Le questionnaire manichéen de Kzimir, le monstre gentil :

Funk 70 ou Funk 80 ?

MtLoB : Totalement Funk 70 … C’est clair que les trucs 80 ça ne me plaît pas. Mais j’ai quand même quelque chose à ajouter par rapport à ça. Que tu prennes Sam Cooke ou Otis Redding dans les années 60, George Clinton ou Parliament dans les années 70, ou même plus tard des chanteuses comme Whitney Houston ou Chaka Khan, en terme de soul, d’esprit black et de conscience noire, pour moi il y a une continuité. Sur le plan politique et culturel, ça reste identique, comme le montrent les paroles. Les années 80 c’est un peu le gouffre musical, dans tous les styles à part le Punk et le Hip-Hop. Du coup, c’est vrai, Chaka Khan elle chante sur des instrus tout kitsch, mais elle a la soul. Même des artistes comme Alicia Keys, pour moi c’est la même soul, le même esprit, malgré les instrus R’n’B ou pop. C’est toujours les mêmes histoires d’amour, de femmes déchirées, abandonnées, le même esprit soul qui a perduré, avec ce mélange Gospel et Rythm’n’Blues.

LE Funk ou LA Funk ?
MtLoB : Moi je dis LE Funk…

Rare groove ou deep funk ?

MtLoB : Rare groove. Et je pense que Xabi serait d’accord avec moi. Le terme « deep funk » ça me parle aussi, je vois à quelle période et quel type de funk ça correspond, notamment par les compilations. Mais « rare groove » je le vois comme quelque chose de plus général, qui touche le jazz et dont l’unité vient du côté soul ou soulful.

Meters ou Kool & the Gang ?

MtLoB : Meters, parce que c’est vraiment un point commun à tous les membres du groupe. On adorait tous avant de former les Shaolin. Et puis on est plus du Sud que du Nord. Mais je n’ai pas forcément une grosse culture Kool & the Gang, à part les gros tubes que j’écoutais quand j’étais gamin.

Stax ou Motown ?

MtLoB : En parlant au nom du groupe, je dirais Stax… mais à titre personnel, je crois que j’aime autant les deux. Ce sont deux labels à vocation un peu différente. Motown avait une dimension de conquête du monde, en proposant de la variété tout en gardant une dimension de conscience noire. Barry Gordy est quand même le premier patron de major noir. Stax y a le côté plus sudiste, rural, underground.

Bruce Lee ou Jackie Chan ?

MtLoB : Franchement… Jackie Chan. On a revu « La fureur de vaincre », avec Bruce Lee récemment, pour la préparation du ciné-concert. Et vraiment on a trouvé ça nul et surtout raciste avec ce côté anti-japonais très marqué…

Tigre ou dragon ?

MtLoB : Tigre parce que c’est un félin comme le « Lion of Bordeaux »…

Le CPE, pour ou contre ?

MtLoB : Contre… d’ailleurs la semaine prochaine on joue à la Fac de Bordeaux pour soutenir le mouvement étudiant.

En savoir plus :

Voir la page de présentation des Shaolin Temple Defenders

Des extraits et des vidéos en écoute sur leur site et www.myspace.com/marthadefenders

CHRONIQUE

Lisez la chronique du premier album des Shaolin Temple Defenders cliquez ici

Adri3n/Kzimir

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